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Cosmos par hasard

ou création continue

 

L'univers est un jeu de relativité, il est abstrait.

L'énergie cosmique crée tout, tout le temps, dans un vaste assemblage d'illusions dont nous faisons partie.

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Au cours du XXème siècle, nous avons changé totalement de situation.

Mais nous n'avons pas mesuré toutes les conséquences de ce changement.

 

 

La matière

Toute la matière du monde connu, la matière dont nous sommes faits, la matière qui nous entoure, toute cette réalité qui nous paraît indiscutable et qui nous permet de vivre, avec la lumière qui nous la fait voir, tout cela est fait d'énergie transformée en particules, en ondes qui les pilotent, en unités de quatre forces fondamentales qui font exister les atomes, les molécules, et les immenses masses de particules lancées dans la gravitation universelle.

L'univers est fait d’énergie, nous le savons depuis les travaux d’Einstein et les découvertes de la mécanique quantique. La matière est faite d’énergie transmutée par un facteur mystérieux  qu'Einstein a décrit  au moyen du carré de la vitesse de la lumière. S'il est difficile de comprendre ce qu'est le carré d'une vitesse, et plus encore quand il s'agit de la plus grande des vitesses,  il faut retenir ceci: la plus célèbre des équations scientifiques, du moins, nous apporte une très belle image. La science, devant ce mystère, s'est faite poésie.

Acceptons l'évidence : la masse de ces particules qui composent la matière ne ressemble à rien de ce que nous connaissons. Elle ne ressemble à aucun des éléments identifiés plus particulièrement qu'à un autre, - ni à l'hydrogène transparent dans l'air, ni au carbone que nous brûlons sous tant de formes, ni au fer coulé dans nos machines, ni à l'uranium qui se désintègre dans nos centrales nucléaires. Elle consiste en énergie à peine transformée; elle est de l'énergie qui devient, de cette manière, un parfait facteur d'illusions.

Regardez le bout de vos doigts - vous avez devant vous des millions et des millions de cellules différenciées: des cellules de chair, d'os, de peau, de nerfs; dans les vaisseaux sanguins, des globules blancs et rouges, des plaquettes. Mais ces cellules sont faites de milliards d'atomes qui contiennent tous des particules identiques: des quarks et des électrons, simplement répartis dans chaque atome en nombres différents.

S'ils voulaient bien se tenir tranquilles, on pourrait aligner des millions d'atomes sur une longueur d'un millimètre, et le diamètre du noyau, dans un atome, n'est qu'environ le dix-millième de celui de l'ensemble. Pour être plus clair, disons que si le noyau d'un atome avait pour diamètre la hauteur d'une personne, les électrons seraient gros comme des pommes et graviteraient autour de lui à des distances qui iraient jusqu'à dix kilomètres . Le reste est vide. Les atomes sont surtout faits de vide.

Si toutes les particules atomiques qui composent notre Terre se trouvaient serrées ensemble, vraiment pressées les unes contre les autres,  la Terre aurait la même masse et elle pèserait du même poids dans le grand jeu de la gravitation universelle, mais elle serait une très petite boule, absolument invisible de la lune qu'elle retient en orbite, par exemple.

Nous devrions voir le vide qui existe entre les particules comme nous voyons celui de l'espace intersidéral, parce que c'est un vide où fourmillent des noyaux d'atomes en guise d'étoiles, avec des électrons comme planètes. Mais nous sommes empêchés de le voir. Nous voyons la matière "pleine", nous la voyons en continu parce que nous sommes pris dans le système. Le phénomène est le même que celui du cinéma - à vingt-quatre images par seconde, nos yeux ne voient plus les images séparément, nous voyons le mouvement qui les traverse. A six protons par atome, six électrons et quelques neutrons, nos yeux voient du carbone. Quand il est pur, nous voyons un diamant.

Il faut aussi parler de la vie étrange que mènent les particules, soumises à un principe d'incertitude qui nous prive à jamais de connaître à la fois leur position et leur vitesse. Les électrons et les photons, qui sont à la fois particules et ondes, semblent être en même temps sur tous les chemins qu'ils peuvent prendre, et partout à la fois. Si la matière a une existence apparemment stable, elle le doit à des moyennes statistiques de présence des particules dans les atomes, dans les molécules, dans nos cellules, dans tout ce qui existe. D'après certains chercheurs, la théorie des Quanta apporte la preuve que la matière n'existe pas, mais qu'elle a seulement tendance à exister.

La théorie la plus récente assigne à de toutes petites supercordes vibrantes le mérite indéfinissable de cette transmutation de l'énergie en particules. D'autres supercordes pourraient vibrer autrement pour constituer les unités des forces fondamentales, - par exemple celle qui lie protons et neutrons dans les noyaux d'atomes, ou celle qui attache les atomes les uns aux autres dans les molécules. Si cette théorie se vérifie, nous aurons là, probablement, la Théorie de Tout, l'explication globale de la nature et du cosmos.  Cependant, nous savons déjà que la matière n’existe que relativement, grâce a cette tension soutenue et multiforme de l'énergie cosmique. L'univers n'a rien de "réel" au sens où nous l'entendions naïvement.

La matière est faite de principes d'action quasi mathématiques qui agissent en trompe-l'oeil. Maintenant que sa nature profonde nous a été révélée, la matière devient un mirage, un tissu d'illusions dont la réalité ultime nous échappe. L'objet de cette science que nous nommons physique n'a plus rien de physique, en définitive. Sous nos instruments perfectionnés, sous nos yeux étonnés, devant nos imaginations sollicitées à l'extrême, la matière s'est complètement dématérialisée.

 

L’univers

L’univers a commencé à se former il y a environ quatorze milliards d'années. Il comporte plusieurs centaines de milliards de galaxies, dont chacune fait tournoyer dans l'espace, en moyenne, environ cent milliards d'étoiles, avec toutes les planètes que ces étoiles peuvent avoir retenues en orbite autour d'elles. Les galaxies, en règle générale, s'éloignent les unes des autres, l'univers s'agrandit, il est en expansion.

Les astrophysiciens nous disent qu'au point de départ, à l’instant du Big Bang, toute la matière et la lumière de l’univers devaient être rassemblées en un seul point d’une densité extrême et d’une chaleur infinie. Ce "point" émergeant, ce coup de poignard de matière naissante débouchait dans le vide de notre univers, où sa relativité se répand et s'étend toujours. Il a lancé le déroulement de phénomènes successifs qui a créé le temps. Le cosmos a connu un développement fabuleux dans les plus infimes fractions de la première seconde; il en connaît encore. De nouvelles galaxies se forment en ce moment. De nouvelles étoiles naissent, d’autres meurent en s'éteignant doucement ou explosent dans des supernovae spectaculaires. La forme du cosmos se modifie sans cesse, elle étire des amas et des filaments de galaxies dans une sorte d'éponge sans cesse plus étendue, d’une brillance somptueuse.

La matière du cosmos se modifie aussi avec le temps. L’hydrogène fut presque le seul élément formé, au départ. Il s'est dispersé en nuées qui se condensent çà et là dans l'espace, ce qui ensemence les galaxies, et qui se mettent à brûler, ce qui donne naissance aux étoiles. Si les étoiles de la taille du Soleil brûlent longtemps, les étoiles plus grosses implosent puis explosent assez rapidement. L’effondrement de leurs couches supérieures et la densification de leur magma central créent momentanément des sortes de forges d'éléments lourds, d’où sont ensuite éjectés par paquets des atomes aux structures compliquées, par exemple ceux du carbone, du silicium et de tous les métaux. Ces cataclysmes démesurés projettent dans l’espace des escarbilles de matière brûlante qui finissent par mêler leurs trajectoires, qui s’agglutinent peu à peu pour donner naissance à des astéroïdes et à des planètes, - lesquelles, avec un peu de chance, se placent enfin en orbite stable autour d'une étoile de longue durée.

L'univers est si vaste que la lumière, à travers ses immensités, nous apporte en différé des nouvelles de galaxies qui ont pu disparaître entre-temps, - éteintes complètement, amalgamées avec d'autres ou avalées par un trou noir. La lumière des étoiles formées en ce moment dans de nouvelles galaxies lointaines ne nous parviendra pas avant des millions, voire des milliards d'années.

La splendeur de nos nuits et l’apparente éternité du mouvement des corps célestes cachent d’heureux événements et des drames sans nombre, des apparitions de vie, des combustions soudaines, des glaciations inexorables, des transformations d’une lenteur majestueuse, - une évolution sans répit.

L'univers n'a pas été créé - il se crée toujours. L’univers est une création évolutive et continue.

Ce que nous ne savons pas encore, c'est d'où il est venu, ni vers quoi il va. La science ne sait pas si l'expansion de l'univers va se poursuivre jusqu'à une dispersion définitive dans le froid et l'obscurité, ou si elle va s'arrêter, puis s'inverser, pour que la matière fasse retour vers un autre point d'une densité et d'une chaleur extrêmes . Ce qu'il y avait avant la naissance de la matière et de l'espace est encore plus inconnaissable. Que pouvait-il y avoir avant la naissance du temps?

Nous pouvons tout imaginer, - qu'il y ait eu d'autres univers en chaîne auparavant, d'un Big Bang à l'autre, et qu'il y en aura d'autres plus tard, ou qu'il y ait, en ce moment même, d'autres univers parallèles dans des "ailleurs" que nos sens ne perçoivent pas et que nos instruments ne pourraient pas atteindre.

Notre précieuse et fragile planète nous semble de plus en plus minuscule, de plus en plus perdue dans des immensités d'espace et de temps qui demeurent en grande partie insondables.

 

La naissance de la vie

La Terre s'est formée depuis quatre à cinq milliards d’années, c'est-à-dire après environ dix milliards d’années d’existence de l’univers. Elle n'a pas été tout de suite habitable, selon nos critères. Durant ses premiers milliards d'années, elle est passée par des états terrifiants: recouverte d'une soupe primordiale saumâtre, livrée à une activité volcanique intense, recouverte de mélanges de gaz puants et irrespirables, secouée par des orages ultra-violents, beaucoup trop chaude par périodes ou par endroits, glaciale à d'autres. L'atmosphère primitive contenait probablement plus de 50 pour cent de dioxyde de carbone, et était dépourvue d'oxygène. La Terre juvénile restait au surplus soumise à un bombardement intense de météorites.

La vie a bien dû naître dans ce milieu. Son développement dépendait entièrement de la constitution de la première macromolécule d'ADN, cette fameuse échelle spiralée et codée présente dans toutes les cellules vivantes. Dans ce minuscule espace,  il a fallu que fussent présentes quatre sortes de bases azotées qui ont la propriété de ne s'allier que deux par deux. Les barres de l'échelle sont faites de deux éléments parmi les quatre, de telle sorte que quand l'échelle se scinde, chaque demi-barre appelle automatiquement la molécule de base azotée qu'il faut pour reformer l'autre demi-barre. Deux échelles se reconstituent alors, identiques à celle qui s'était fendue. Au surplus, il fallait que fussent aussi présentes dans la macromolécule d'ADN des molécules de désoxyribose, auxquelles les barres de l'échelle s'agrippent, et des molécules d'acide phosphorique, qui complètent les montants entre les barres.

Les macromolécules d'ADN ne forment pas à elles seules le noyau de la cellule vivante. Elles sont la partie essentielle de chacun des chromosomes qui forment ce noyau, et toutes les cellules de chaque espèce contiennent le même nombre de chromosomes, - par exemple 46 pour l'être humain. Le noyau est entouré du cytoplasme, - véritable usine en miniature, capable de fabriquer, en plus d'autres protéines codées, les enzymes qui dirigent tous les phénomènes biologiques. Le cytoplasme, enfin, est contenu dans une membrane extérieure.

Pour que la cellule se divise et par là se reproduise, il faut - chez l'être humain - que les 46 chromosomes se dédoublent dans le noyau, que les 92 chromosomes ainsi créés se divisent en deux fois 46 dans le même ordre, et que cytoplasme et membrane suivent le mouvement.

L'apparition de la première bactérie, être vivant monocellulaire, représentait déjà un assemblage de molécules tout à fait extraordinaire. Faites le calcul des probabilités liées à cet événement majeur, dont toute l'évolution et dont nos vies dépendaient. En quelques milliards d'années, les bouillonnements de matière, les séismes, les vagues et les vents ont-ils pu faire advenir par hasard cette précieuse juxtaposition d'atomes? La constitution d'une première échelle divisible en deux, à base de matériaux sélectionnés, dans le cadre d'une molécule, est le résultat acquis d'une suite d'événements hautement improbables, dont le déroulement dans l'ordre n'avait que des chances quasiment nulles de se réaliser. Un mathématicien, Georges Salet, a fait un calcul de cette probabilité (1), et sa conclusion est claire : elle se situe bien au-dessous du seuil d'impossibilité. Cet assemblage s'est cependant produit.

La suite est plus miraculeuse encore. Pour passer de la bactérie aux organismes multicellulaires complexes que nous sommes, ou que nous voyons autour de nous, il a fallu que les échelles spiralées s'allongent, que les chromosomes se multiplient, et que le noyau de chaque cellule en vienne à contenir plusieurs milliards d'informations précisément codées. Les mécanismes biologiques de la reproduction sont évidemment toujours sujets à des accidents de parcours, mais en général cela se passe plutôt dans le sens de la déperdition d'informations, pas dans le sens de leur augmentation. Les mutations sont par conséquent le plus souvent létales. Comment la nature est-elle passée de la bactérie ou de l'amibe aux grands arbres et aux mammifères supérieurs?

Note :

(1) Georges Salet, "Hasard et certitudes", Pierre Téqui, éditeur, Paris 2003 (1ère édition 1972 aux Editions scientifiques Saint-Elme). La conclusion de son ouvrage est formelle: "Les premiers êtres vivants ne peuvent provenir que d'une intelligence antérieure à la vie" (p. 327). N'étant pas suffisamment mathématicien, je la livre ici sans commentaire.

 

 

Le hasard, ou une volonté

Il n'y a pas si longtemps, nos ancêtres se sentaient faits de chair et d'âme sur une Terre sise au centre de tout, autour de laquelle tournaient fort utilement divers luminaires plus petits. Nous, soudainement, nous nous retrouvons participants d'une réalité toute relative (puisqu'elle a seulement tendance à exister), faits de mélanges de particules qui sont toutes les mêmes jusque dans les contacts entre nos neurones, hôtes et prisonniers d'une précieuse poussière cosmique entraînée par ses migrations orbitales, galactiques et inter-galactiques dans un univers d'une immensité et d'une longévité sidérantes. Notre conscience s'est formée par degrés progressifs, - tout au long de dizaines de millions d'années, - dans un phylum de l'arborescence des évolutions animales à peine plus complexe que les autres. Et cette conscience vient tout juste de se connaître elle-même.

Cela doit avoir des suites, des conséquences. Désormais, nous devons comprendre que c'est de deux choses l'une:

- Ou bien l'énergie investie dans l'évolution de l'univers est une force brute et aveugle qui a été mise en oeuvre par hasard. C'est l'option que soutiennent obstinément la plupart des scientifiques, mais c'est aussi celle qui devient de plus en plus difficile à admettre.

- Ou bien il existe un auteur de toute la déferlante évolution des phénomènes cosmiques, un auteur qui aurait cette énergie, qui serait cette énergie, qui utiliserait cette énergie pour créer l'univers en permanence. Nous y compris, forcément.

La matière est devenue pour nous une nébuleuse de particules dont la réalité ultime nous échappe. Puisqu'elle est sous-tendue en permanence par de l'énergie, il faut admettre qu'elle pourrait être - aussi bien - de nature spirituelle. L'énergie fondamentale pourrait être celle d'un esprit qui se raconte l'évolution du cosmos comme nous nous récitons un immense et superbe poème, - et qui fait se dérouler la vie sur Terre comme un roman en cours d'écriture, comme un film qu'il se projette en même temps qu'il le tourne et qu'il le monte. Rien ne le prouve, mais rien n'interdit de le penser. Une puissance consciente a pu tirer ce méga feu d’artifice qui se propage en tous sens depuis le Big Bang. Si c'est le cas, elle est encore loin d’avoir terminé son ouvrage.

 

Si c'est le hasard

Si une énergie brute et inintelligente agit seule, il faut reconnaître - devant les résultats atteints pour nous, en nous et autour de nous - qu'elle a rendu par hasard des arbitrages parfaits, avec un génie insolite, à toutes les étapes depuis le Big Bang, - mais en particulier tout au long de la formation du système solaire et de l'évolution de la vie sur la Terre. Il faut admirer qu'elle ait su, par chance, faire preuve d'un si bon jugement, qu'elle ait eu tant de perspicacité, d'habileté, et qu'elle ait pu atteindre cette précision inouie dans le calcul de l'équilibre des forces qui permet à la création de durer.

Les hasards auxquels nous devons la vie, dans ce cas-là, sont autant de chances folles et infimes qui semblent avoir été saisies à l'instant exact où il le fallait.

Il est vrai que l'univers et la nature, durant plusieurs milliards d'années, ont pris le temps de se donner les chances de nous faire apparaître (1). Mais pensons simplement à la Terre, amalgame hasardeux de débris d'étoiles explosées. Elle a des éléments qui comportent des atomes lourds, mais aussi des gaz qui forment une atmosphère respirable, pas trop raréfiée ni trop pressurisée à la surface, et juste ce qu'il faut d'eau pour qu'elle ait des océans, des pluies, des terres irriguées, des rivières et des fleuves. Elle tourne sur elle-même, ce qui lui évite d’avoir une face brûlée par le Soleil. L'axe de sa rotation est penché par rappport à son ellipse orbitale, ce qui donne à la plupart de ses régions des saisons reconnaissables. Elle est à la distance idéale du Soleil pour que son climat soit tempéré. La nature a pu faire aussi bien ailleurs, mais difficilement mieux.

Si le hasard règne seul, nous devons nous résigner à disparaître complètement à notre mort. Mais ce qui est grave, avec la mort, c'est la souffrance qui peut l'amener, la douleur - pour soi et pour l'entourage - d'une séparation définitive, l'angoisse qui peut nous saisir à son approche. La mort elle-même, quand elle nous a pris comme un sommeil, nous ne sommes plus là pour nous en apercevoir. Nous avons donc peur d'un rien, - strictement parlant, c'est-à-dire de quelque chose qui n'existera jamais.

Nous devons dès lors apprécier le mieux possible et le plus possible la chance que nous avons de vivre, la belle ordonnance de notre milieu vital, et tout faire - dans un ensemble concerté - de telle manière que cela dure le plus longtemps possible. Par la contemplation, par la méditation, nous devons ressentir de l'amour-adhésion pour tout ce qui existe, tout ce qui fait partie de l'évolution. Par nos actes nous devons entrer en solidarité active avec tout ce qui est vivant.

Note :

(1) Georges Salet (voir note ci-dessus), pour sa part, prétend que ce temps était beaucoup trop court et qu'il aurait fallu, au minimum, un milliard de milliards d'années.

 

S'il y a une volonté

Si le cosmos a un auteur, cet auteur utilise son énergie dans toutes les particules qu'il a mises en oeuvre, dans les liens qu'elles ont entre elles, dans les contacts qu'elles prennent. Le seul auteur possible doit être immanent. La présence qui pourrait appliquer à tout l'univers un dessein intelligent est au travail en nous comme dans tout ce qui existe, jusqu'aux confins de cette création continue. Cela revient à dire qu'elle dicte nos pensées et nos intentions dans nos neurones, et que notre liberté devient une illusion. Mais l'illusion est parfaite : si nous sommes portés, voulus, dirigés par une telle présence, nous ne pouvons pas nous en apercevoir. Nous restons donc libres, nous nous sentons libres.

Si l'univers est le rêve d'un esprit-énergie, nous sommes en immersion totale dans un océan d'intelligence et d'imagination. Nous ne sommes pas en face d'un Dieu-personnage qui nous laisse aller et nous observe de loin, - l'auteur est en nous. Il nous veut tels que nous sommes, nanoseconde après nanoseconde. Nous ne devons des comptes qu'à nous-mêmes, et aux créatures, aux plantes, aux choses qui nous entourent.

Notre état de conscience serait une parcelle de cet esprit-énergie qui se trouverait comme "retournée" pour apparaître en nous. Retournée partiellement sur elle-même, comme un pli dans une nappe. Notre intelligence serait un reflet de celle de l'auteur - comme un courant induit se crée dans un fil de métal qu'on tend près d'une ligne à haute tension.

Nous devons faire attention à ne plus utiliser le mot "Dieu". Ce nom ne convient pas à l'esprit-énergie, à la présence créatrice qui pourrait animer le cosmos. Le mot "Dieu" a trop longtemps servi à désigner un simple personnage,  un Dieu éloigné, un Dieu observateur et juge, décrit de manières contradictoires par les trois religions qui nous en parlaient. Rien ni personne ne peut avoir une action sur un univers aussi abstrait que le nôtre et sur son bouillonnement d'énergie à partir de l’extérieur, pas plus qu’on ne peut intervenir dans le rêve d’un voisin.

Si l'esprit-énergie existe, il ne sert à rien que nous lui parlions, que nous lui adressions des prières, des louanges ou des supplications. Il se parlerait à lui-même par notre bouche, - et tout le ridicule serait pour nous.

Dieu est mort, a dit la philosophie naguère. Si seulement, parce que les derniers soubresauts de son agonie, entre dogmatismes, intégrismes, fanatismes et cruautés conséquentes, sont effrayants. Nous nous retrouvons dans un monde virtuel, dans un monde abstrait, fondé en énergie. Le cosmos a un côté "normal" ou "naturel" où tout est solide, liquide ou gazeux, coloré, brillant ou éclairé. Il a aussi, nous le savons désormais, son côté "programme" où tout est en ondes et en particules, modifié constamment, selon des règles établies, par des inventions incessantes. Cela permet, en se pinçant un peu, de croire à l'hypothèse du hasard. Cela ne laisse aucune place, en revanche, à l'hypothèse d'un Dieu-personnage éloigné dans sa transcendance et qui n'interviendrait que selon son bon plaisir...

 Dans un univers de plusieurss centaines de milliards de galaxies, il saute aux yeux que nos religions monothéistes sont locales et anecdotiques. Nous devons les abandonner d'urgence.

Si un auteur nous crée en continu, nous ne sommes pas des individus souverains, placés devant l'étendue d'une création dont ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Nous sommes une partie d'un tout qu'il nous faut réapprendre à connaître et à respecter.

Si un auteur existe, nous devons d'autant plus apprécier la chance qu'il nous fasse vivre, nous devons d'autant plus entrer en amour-adhésion avec la belle ordonnance du milieu vital qu'il nous donne, et agir de telle manière que cela dure le plus longtemps possible. Nous devons aussi nous sentir en communion avec le vivant, - plus fortement encore. Il redevient possible que notre vie continue après la vie terrestre, sous une forme inconnaissable à l'avance. Quand le pli se défait, la nappe existe toujours.

Avec la présence possible, il est judicieux pour nous de méditer, de rêver à sa puissance, d'essayer de sentir comment nous sommes prévus, voulus, désirés. Nous retrouvons la chance et nous retrouverons peut-être le goût d'une spiritualité libre, diffuse, individuelle, totalement ouverte.

 

L'unité

Il est temps de nous persuader, avec Henri Raynal (1), que "cet univers est trop savamment complexe, trop pénétré d'intelligence, pour être absurde."

Avec une compréhension plus exacte de la relativité de l'univers et de sa beauté présente, nous pouvons commencer une sorte de célébration. Nous pouvons jubiler à cause du seuil de conscience que nous avons atteint, et parce que l'esprit, dans l'univers, a des chances d'être primordial. Nos vies doivent devenir plus confiantes, plus conscientes, plus inventives. Nous pouvons atteindre, au sein du cosmos, une forme d'harmonie encore inconnue.

Grâce à la science, nous retrouvons le sens de l'unité profonde de toutes choses. Comme dans l'Hindouisme, où l'on peut dire "tout est Brahmane" (c'est-à-dire souffle). Comme dans le Tao de la Chine, parfaitement compatible avec la notion de création continue. Comme dans le tout premier monothéisme, qui a duré si peu de temps, - celui du Pharaon Akhenaton et de la reine Néfertiti. Comme le célèbre souverain égyptien, nous devinons qu'une présence agissante pourrait être à l'oeuvre en tout et en nous, comme un esprit répandu dans l'univers.

L'Occident a vécu avec une obsession de la dualité ou de la transcendance, de Platon aux philosophes des temps modernes, de la religion juive au christianisme et à l'islam. Dieu en face du monde, ou Dieu en face du diable, Ciel imaginaire contre vallée de larmes ici-bas, Idées et réalités, esprit et matière, tout fut bon pour entretenir cette intoxication dont nous aurons de la peine à nous débarrasser. Il est temps pour tous ceux qui en sont atteints de se défaire enfin de cette manie schizophrénique. La science que les Occidentaux ont développée, en usant des libertés dangereuses qu'ils se sont arrogées dans ce contexte où la matière était dépréciée, rend paradoxalement la suite de cette mésaventure impossible. Nous sommes à la fin de la modernité. Il faut à présent faire connaissance avec la notion salvatrice de l'Unité, où la conscience est probablement répandue dans toute la matière, où notre conscience n'est plus qu'un léger et relatif privilège, - assorti de sérieuses obligations.

Note :

(1) Henri Raynal, "Retrouver l'océan", Editions du Murmure, Neuilly-lès-Dijon 2005. Voir aussi le site internet http://perso.wanadoo.fr/Henri.Raynal/pages/indexpag.html

 

 

Remarque :

Les deux premières parties de ce texte sont basées sur la lecture d'innombrables articles et ouvrages parus dès  les années 50 du XXème siècle, pour certains, mais principalement depuis 1980.

Parmi les ouvrages, je citerai:

- de nombreuses oeuvres de Hubert Reeves, toutes aux éditions du Seuil,

- Trinh Xuan Tuan, La mélodie secrète, Fayard 1988

- Stephen Hawking, Une brève histoire du temps, Flammarion 1989

- Brian Greene, The elegant universe, Vintage 2000

Sans oublier:

- Pierre Rousseau, De l'atome à l'étoile, Que sais-je No 2, P.U.F. 1956

 

 

La première chose que nous devons mondialiser est une sagesse

fondée sur la connaissance de l'univers

donnée par la science la plus avancée

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Nous en sommes loin, mais le chemin est intéressant

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deux étapes de réflexion:

Brève histoire du monothéisme

et, à propos de la présence possible, une Liste de conséquences

 

 

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© André Chollet, Genève, juillet 1999

dernières modifications janvier 2007